Architecture rustique des rocailleurs

Résumé

On a oublié les rocailleurs et leur architecture rustique. Pourquoi ? Pourtant chacun se souvient d'avoir vu, ici ou là, quelques morceaux de ces décors de ciment en fausse pierre, fausse brique, faux bois. Il semble qu'on se soit pudiquement détourné de cette architecture produite par des maîtres d'oeuvre, des artisans certes assez inventifs et habiles pour transformer les pavillons standards du XIXe siècle en palais de rêve et les quelques ares qui les entourent en massifs alpins où se succèdent les surprises et les folies, mais des artisans cependant, d'origine modeste, formés sur le tas. Ils savent à peine écrire leur nom. En mal de reconnaissance, ils le gravent dans le ciment frais, ils signent. Ils font chanter le nouveau matériau en utilisant au mieux ses qualités plastiques. Artisans de l'illusion, ils semblent emportés dans une cascade de rôles imaginaires. Maçons à l'origine, ils acquièrent un savoir-faire qui leur fait mimer le tailleur de pierre, le fabricant de briques, le menuisier aussi bien que le riche propriétaire. Ils inventent les rochers, les arbres et les fleurs, ils sont le vent qui travaille la maison. Participant au chant du cygne des artisans qui s'élève un peu partout en Europe vers 1900 mais distinct de l'art nouveau, l'art de rocailleurs reste l'oeuvre d'autodidactes. Leur volonté de s'affirmer c'est aussi une défense de l'artisanat décoratif du bâtiment, à une époque où celui-ci est menacé et où les artisans se prolétarisent, c'est une défense de la main. Par rapport à leur contemporain le Facteur Cheval et à ceux qui inventent un monde idéal dans leur petit jardin et dans le temps qui reste, celui de la retraite ou du week-end, les rocailleurs sont des inspirés à plein temps qui ont tenté, dans le monde du travail, de préserver une part de création et de plaisir.